Le projet Pari Vélo

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vendredi 28 août 2015

Le Pari Vélo : Bilan du Voyage / Conclusions




Nicolas Dubois                                                         Paris, le 27 août 2015
Projet « Le Pari Vélo »                        

Lauréat du Prix Paris Jeunes Aventures                                             
Catégorie défi sportif (2014-2015)
Contact : nicobici1987@gmail.com



Bilan du voyage et anecdotes
ABC du Pari Vélo

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located on the left side of the sreen (parivelo.blogspot.com)



A)        Aventure

Le Pari Vélo, une véritable aventure à vélo de 10000 km. Il s’agissait de mon premier voyage à vélo de 6 mois et en solitaire. J’ai souhaité aller à la rencontre des populations locales, découvrir différentes cultures et également traverser des régions isolées.

J’ai découvert le Japon, le Vietnam, le Laos, le Cambodge, la Malaisie, Singapour, la Turquie, la Grèce, la Bulgarie, la Macédoine, l’Albanie, le Monténégro, la Croatie, l’Italie puis plusieurs régions de France à vélo, de fin janvier à août 2015. J’ai également fait étape aux États-Unis et en Inde mais sans me déplacer quotidiennement à vélo. Voyager en Europe était sans doute plus « accessible », plus aisé. Avec nos repères européens, on s’y adapte très vite. On y trouve facilement où faire ses courses ; on trouve des pharmacies, des cafés...


J’ai goûté à l’aventure lorsque j’ai traversé la zone frontalière montagneuse située entre le Vietnam et le Laos (Cua khau Bo y / Attapeu). Les sacoches étaient remplies de vivres pour trois jours. J’ai emprunté une route sinueuse de montagne, en partie en travaux, sur laquelle je n’ai croisé que les camionneurs transportant du bois du Laos au Vietnam. Certains faisaient des pauses et discutaient, assis sous leurs camions, en jouant aux cartes. Il fallait régulièrement pousser le vélo, dans la poussière et en pleine chaleur. J’y ai croisé des chasseurs sortant de nulle part dans la jungle. J’ai eu la chance de tomber sur une cabane construite au bord de la route pour y passer une nuit.

La navigation n’était pas toujours aisée. Dans certains pays, les cartes disponibles n’étaient pas précises. Les panneaux de signalisation étaient quasi inexistants ou bien dans un alphabet inconnu. Certaines villes possèdent des noms différents selon la langue utilisée. Il fallait demander sa route régulièrement et parfois proposer aux habitants de faire un schéma, pour savoir dans quelle direction je devais continuer mon chemin. Dans les autres pays, j’utilisais les cartes hors-ligne téléchargées sur mon smart phone.

Le défi physique était d’importance lorsque j’ai décidé de rejoindre Siem Reap depuis Stung Treng dans le nord du Cambodge. Une route récemment refaite, mais une chaleur pesante et très peu de points de ravitaillement. Les terres étaient sèches et pauvres et les échoppes rares. J’ai été hébergé par un couple qui m’a expliqué comment me laver à la source du village (habillé d’un pagne). Puis, ils m’ont indiqué la charrette sur laquelle je pourrai dormir (plus confortable car plus aéré).



B)        Boire

Etre à court d’eau, un véritable danger. Tous les jours, toutes les deux heures parfois, il fallait penser à remplir toutes les bouteilles. J’essayais d’avoir toujours une bouteille d’avance (ne pas attendre la dernière goutte avant de chercher un point d’eau !). Au Japon je ne consommais que 2 ou 3 litres d’eau par jour, alors qu’au nord du Cambodge j’avais besoin d’au moins 7 litres. J’ai fait le choix d’acheter des bouteilles plutôt que d’utiliser mes pastilles pour purifier l’eau. En Asie du sud-est : quand je n’étais pas certain de la provenance de l’eau, j’optais pour une canette de soda jusqu’au village suivant (souvent en vente au bord des routes dans des glacières). La bière semble être la boisson nationale dans la plupart des pays traversés (Beer Lao, Cambodia Beer). J’ai finalement jeté ma gourde percée en Grèce, que j’ai remplacée par une bouteille plastique du même volume. L’eau était également nécessaire pour laver les fruits et légumes, se laver les dents, se rafraîchir le visage, laver ses vêtements … J’ai recommencé à utiliser l’eau du robinet en Turquie, en réutilisant les mêmes bouteilles le plus longtemps possible.



C)        Chaleur

La chaleur, mon ennemi numéro 1. J’ai dû organiser mes journées en fonction de l’heure du lever du soleil. Les pays les plus chauds : le Cambodge en avril (39° le jour où j’ai rejoint Preah Vihear), la Malaisie en mai (moins chaud mais plus humide), l’Inde en juin (pas de vélo mais une journée à 42°), l’Italie en juillet (38° à l’est de Florence). Pendant les journées chaudes, je roulais de 7h à 11h, puis en fin d’après-midi avant le coucher du soleil. J’ai acheté au Vietnam une sorte de chapeau d’apiculteur qui couvre également le cou et les épaules. Fin juin, après trois mois de grosses chaleurs : j’ai eu droit à ma première bouffée d’air frais en Bulgarie, où un temps gris et pluvieux m’attendait.

J’ai également dû faire face au froid aux Etats-Unis, puis au Japon : lorsque j’ai rejoint le lac Yamanaka (au pied du mont Fuji, début mars), un panneau affichait 2° à 14h et il a neigé pendant la nuit. Les jours qui ont suivi, j’ai longé le littoral où les températures ne dépassaient pas les 10°.



D)        Danger

Je ne me suis jamais senti en danger au cours de ce voyage. J’ai simplement fait attention à mes effets personnels, surtout dans les grandes villes. Pour camper, je parlais aux habitants du village pour être sûr que le lieu choisi était le bon. Une seule nuit, en Malaisie, alors que je campais aux abords d’un hôtel abandonné, j’ai aperçu au loin des faisceaux lumineux provenant de la plage. Je ne comprenais pas d’où venaient ces lumières et je me suis inquiété. J’ai réalisé une heure plus tard qu’il s’agissait d’adolescents partis à la pêche aux crabes.

Le pire danger, c’est la route. Il fallait s’habituer aux coutumes locales : rouler à gauche ou à droite de la chaussée, le fait que le véhicule le plus « gros » ait la priorité, comprendre ce que signifiaient les klaxons incessants (au Vietnam). La route la plus dangereuse a sans doute été le gigantesque pont qui relie Johor Bahru (Malaisie) à Singapour. La circulation à vélo dans Hanoi est également assez chaotique. Un exemple de route très tranquille est la « Cycling Riviera », une piste cyclable en site propre construite sur une ancienne voie ferrée (région de San Remo et d'Imperia, Italie).

J’ai été victime (ou plutôt coupable) d’un seul « mini accident », le dernier jour de mon voyage, dans une rue calme d’Etampes. Je rêvassais, pensant sans doute à mon arrivée toute proche, et je suis entré de plein fouet (à vitesse réduite) dans un pot de fleurs en béton, m’étalant sur le goudron (sans gravité pour le vélo ou le cycliste).



E)        Entretiens pour le Pari Vélo

L’un des trois axes du projet « Le Pari Vélo » était d’aller à la rencontre d’acteurs (ONG, associations, individus, municipalités…) investis dans la promotion du vélo (sous toutes ses formes et pour tous ses usages). J’avais pour objectif d’étudier les pratiques cyclistes (culture et infrastructures) dans les différents pays traversés, par moi-même, chaque jour, en circulant à vélo, mais également par le biais de ces entretiens. J’ai eu la chance de rencontrer :

Etats-Unis (fin janvier/février 2015) : Bicycle Film Festival (Brend Barbur, créateur du festival : www.bicyclefilmfestival.com) ; Time’s Up (Simon, bénévole : times-up.org) ; Transportation Alternatives (Ollie, employé : https://www.transalt.org)

Japon (février/mars) : Café galerie Khuns à Asakusabashi, Tokyo (Junichi, gérant : http://www.kuhnsbar.com) ; Kaze Bicycle Messengers (Fujimura et Kenya, coursiers à vélo : https://www.facebook.com/messengerKAZE.osaka)

Vietnam/Laos/Cambodge (avril) : La Bicicleta, café culturel à Hanoi (géré par Gium, également investi dans l’association The Hanoi Bicycle Collective : https://www.facebook.com/THBC.VN)

Malaisie/Singapour (mai/juin) : Farred, activiste vélo (http://klcycleguy.blogspot.com) : il est également investi dans l’élaboration de la Cycling KL Map : http://cyclingkl.blogspot.com ; Love Cycling SG (Francis Chu, organisateur et bénévole : Love Cycling SG)

Turquie (fin juin) : Istanbul Bisiklet Festıvalı, le festival international de vélo d'Istanbul (comité organisateur : http://bisikletliler.org) ; entretien avec Murat, représentant de la Turquie au forum Vélocity 2015 à Nantes : http://www.velo-city2015.com

Grèce/Italie/France (juillet/août) : Municipalité de Thessalonique (George Dimarelos, élu aux Transports et aux Mobilités : www.thessaloniki.gr/en) ; Réseau cyclable Bicipolitana - Municipalité de Pesaro (Luca, employé au département de l'environnement de la ville : www.pesaromobilita.it) ; Montélovélo, Montélimar (Gilbert, bénévole coordonnateur : montelovelo.free.fr).

Pour consulter les rapports concernant ces entretiens, vous pouvez parcourir le blog « Pari Vélo » : http://parivelo.blogspot.com


Un bon exemple d’initiative et d’infrastructures : les immenses parkings vélo aux abords des stations de métro Tokyoïtes, qui permettent aux habitants de combiner leurs trajets à vélo avec l’utilisation des transports en commun. Les vélos « Mamachari » sont très utilisés non seulement pour se déplacer mais également pour transporter les courses et les enfants. Il est courant que les vélos circulent sur la moitié du trottoir côté « chaussée », l’autre moitié étant bien sûr réservée aux piétons.

Un exemple à ne pas suivre : la ville de Kuala Lumpur, qui croît à grande vitesse sans prendre en compte les besoins des piétons et des cyclistes. Les aménagements ne sont pas à échelle humaine. Le réseau secondaire est très peu développé et l’on doit emprunter de très grands axes dangereux, conçus pour les véhicules motorisés.



F)         Fujisan

Je n’oublierai pas ma première journée à vélo… Depuis le toit de la maison de mon ami Shin près de Mitaka à Tokyo, j’apercevais au loin le Mont Fuji. Je suis parti au petit matin, avec un gros manteau, et j’ai parcouru les 90 km qui me séparaient de Yamanakako, à 900 m d’altitude, m’approchant ainsi de Fujisan. Le soir, alors que les températures étaient presque négatives, je trouve une modeste Minshuku (petite auberge traditionnelle) qui semble déserte. J’ai enfilé les petits chaussons que m’avait remis l’employé et je me suis rendu pour la première fois dans un O-Furo (le bain), fumant et bouillonnant. Cette première journée fut forte en émotions, belle et intense !



G)        Générosité

J’ai eu la chance de rencontrer des personnes profondément généreuses et bienveillantes dans tous les pays traversés. Des inconnus m’ont proposé de m’héberger; on m’a offert des cafés en Turquie, on m’a offert des glaces en Grèce et des fruits en Croatie ; j’ai été faire réviser mon vélo à Singapour et en Grèce et le service ne m’a pas été facturé… Quand on s’ouvre aux autres et qu’on arrive quelque part sans attentes spécifiques, les rencontres sont authentiques. Les plus modestes comme les plus aisés sont souvent prêts à partager ce qu’ils ont.



H)        Hébergement

J’ai choisi de partir avec tout l’équipement nécessaire pour être autonome. Mon matériel de camping tenait dans une sacoche. J’ai pu camper dans des régions reculées et j’ai également dormi dans quelques campings lorsque l’occasion se présentait. Je suis membre du réseau Couchsurfing depuis 2008 et du réseau Warmshowers depuis 2013. Grâce à l’existence de ces sites internet d’hébergement solidaire, j’ai pu faire des rencontres enrichissantes. J’ai également été hébergé par des amis à Tokyo, sur l’île de Shikoku, à Phnom Penh et à Lyon. Enfin, en cas de besoin, je faisais étape dans une auberge (ex : sur Honshu au Japon à cause du froid, ou au Laos à cause de la chaleur).



I)         Internet

A l’ère d’internet, il est certainement plus facile de voyager aujourd’hui que dans le passé. J’avais pour objectif de me « déconnecter » le plus possible, néanmoins cet outil est réellement pratique voire incontournable au cours d’un voyage (consultation de cartes en ligne, météo, conseils de voyages, actualités dans les pays traversés, communiquer avec ses proches…). Je trouvais régulièrement des accès au Wifi (j’utilisais un smart phone) et je m’arrêtais une fois par semaine dans un cybercafé pour publier un article sur mon blog.



J)         Journée type

Italie en juillet : Lever 7h30 (je range ma tente et je dis au revoir aux fermiers qui m’avaient prêté un bout de leur champ). Je redescends en vallée. A 8h30, je trouve un café pour me restaurer, charger les batteries, remplir les bouteilles d’eau et déchiffrer le journal local. J’évite les grands axes et j’atteins vers midi un bourg plus important pour déjeuner. Je choisis une petite boulangerie/snack pour m’asseoir à l’ombre. Une scène de spectacle en bois est en cours de montage sur la place centrale : lieu idéal pour une sieste à l’ombre, à 13h15. Je reprends la route vers 14h30. Il fait décidément trop chaud. Je m’arrête à nouveau à 15h dans un village. J’opte logiquement pour une glace et j’écoute mes voisins, en plein débat. Ouf, ça se couvre. Lors d’une journée nuageuse, je peux parcourir une distance bien plus importante. J’atteins Pontassieve (non loin de Florence) où je rencontre des jeunes. Je me présente et je leur demande s’ils connaissent un endroit pour planter la tente. Ils m’invitent chez eux et je me retrouve 5 km plus loin, au milieu des vignes, dans la vieille bâtisse où ils vivent en colocation. Nous préparons une grande quantité de pâtes pour tous les convives et nous passons la soirée à discuter dans un mélange d’anglais, d'italien, d’espagnol et de français.



K)        Kilomètres

Je parcourais en moyenne 80 km par jour. Je faisais une à deux « pauses » par semaine. J’en profitais pour me promener à pied, visiter, nettoyer mon matériel et mes affaires et remplir les sacoches de vivres. Les cyclistes le savent, le vent peut être votre meilleur ami comme votre pire ennemi… Au Japon, il m’a fallu de longues heures pour venir à bout des 45 km qui séparaient Toyohashi d’Irago-Misaki, avec un fort vent de face. En revanche, j’ai effectué une étape d’environ 110 km au sud du Laos avec un vent légèrement favorable (le long du Mékong). Sans relief, il est possible de rouler plus de 100 km (exemple de Thessalonique à Edessa en Grèce). En revanche, s’il faut franchir un col (de Komotini à Zlatograd ou de Grasse à Castellane), mieux vaut ne rien prévoir et s’arrêter avant que le corps ne flanche (50-60 km maximum). Le revêtement de la route est également déterminant (ex : « routes » en terre d’Attapeu à Champasak ; routes en travaux au Vietnam -graviers- ; ou au contraire enrobé de bonne qualité au Japon).



L)        La chaîne de cadeaux

L’un des objectifs du Pari Vélo était de réaliser une « chaîne de cadeaux ». J’avais l’intention de remettre un « cadeau » à la première famille qui m’hébergerait, et proposer à ces personnes de me confier un autre objet, qui ait un sens pour eux. L’objectif était d’emporter ce nouvel objet sur mon vélo et de l’offrir lors de mon étape suivante (puis de répéter cette opération autant de fois que possible). Je souhaitais transporter des objets qui racontent une histoire (des graines, le dessin d’un enfant, un morceau de tissu brodé…) et d’en être le messager pendant une journée.

L’opération a principalement fonctionné spontanément, sans expliquer mon projet ou le concept de cette chaîne de cadeaux (barrière de la langue, entre autres). Les objets ou « cadeaux » que l’on m’a remis ont tout de même donné lieu à des anecdotes intéressantes. Par exemple, la famille japonaise qui m’hébergea spontanément m’a offert des Shiitake de leur jardin (champignons), que j’ai cuisiné le lendemain avec mon hôte espagnol, fin cuisinier vivant au Japon. Un exemple plus récent est le miel « maison » qui m’a été offert par mes hôtes à Montélimar, que j’ai ensuite offert à mes hôtes à Tournon-sur-Rhône, qui avaient pour projet de créer un « Locavore » (vente de produits locaux). L’objet que j’ai le plus offert : des gilets jaunes fluo, que j’ai reçu en quantité lors du festival international du vélo à Istanbul (j’en ai même offert à des hôtes grecs).



M)       Merci !

Un grand merci à la mairie de Paris et au jury du concours Paris Jeunes Aventures de m’avoir désigné lauréat du prix, catégorie défi sportif. Un grand merci à Damien et Antoine pour m’avoir représenté lors de l’annonce des résultats. Un grand merci à ma famille, mes amis, mes collègues et tous ceux qui se reconnaîtront. Un grand merci à toutes les familles qui m’ont hébergé spontanément, ou par le biais des réseaux Couchsurfing et Warmshowers, et à celles qui ont participé à la « chaîne de cadeaux ». Un grand merci aux associations qui ont accepté de me rencontrer dans le cadre de mon étude sur la culture, les infrastructures et les initiatives cyclistes dans leur ville. Un grand merci à toutes les personnes rencontrées au cours du voyage pour leurs conseils avisés. Tout simplement merci à ceux qui m’ont suivi, soutenu, aidé et accompagné de près ou de loin dans la réalisation de ce projet.



N)        Nourriture

Il faut s’adapter constamment ! On ne trouve pas de tout partout. Se nourrir « local », c’est une très belle manière de s’immiscer dans la culture d’un pays. J’ai fait le choix de ne pas apporter de matériel de cuisine. Je pouvais ainsi quotidiennement « partager » mes repas avec les habitants du coin, dans de petites échoppes au bord des routes, sur les marchés... J’ai appris à faire « Slurp » comme les japonais, j’ai pu ingurgiter des litres de Pho sur de minuscules tables en plastique installées sur les trottoirs au Vietnam, commander de nombreux Nasi Lemak en Malaisie, boire des Lassi (frais ?) en Inde, faire des réserves de graisses avec des Baklawa au petit déjeuner en Turquie, prendre un déjeuner un semblant plus léger avec une salade grecque, boire des bons cappuccino aux comptoirs en Italie, et finalement goûter aux quenelles de Lyon chez mon amie Aurélie.

Il fallait également prévoir des réserves pour pédaler. Je faisais en sorte de toujours avoir des fruits et des gâteaux dans mes sacoches. Erreur commise à deux ou trois reprises : la tablette de chocolat… qui fond à vitesse grand V !



O)        Outils / mécanique

Incroyable : quasiment aucun souci mécanique avec mon matériel (malgré 10000 km parcourus). J’avais emporté les outils essentiels mais ils n’ont heureusement pas tous servis. J’avais pris quelques cours de mécanique vélo avant le départ mais je n’ai pas eu l’occasion de faire mes preuves ! Une seule crevaison (grâce à d’excellents pneus), en Croatie. Un clou s’est planté droit dans ma roue en Grèce mais la bande anti-crevaison a été la plus forte. J'ai également eu un rayon cassé et une sacoche qui s'est décrochée. Je tiens à remercier les mécaniciens vélo de Singapour et de Kalamaria (Grèce) qui m’ont offert la révision de mon vélo. Une clé plate s’est cassée alors que je remontais mes pédales à l’aéroport d’Istanbul. Le lendemain, j'ai cherché à remplacer cette clé et le vendeur m'a tendu un outil d’un mètre de long ! J’ai bien ri et nous avons ensuite trouvé la bonne solution.



P)        Portraits

Le troisième objectif du Pari Vélo était de réaliser des portraits d’habitants dans chaque pays. J’ai réalisé quelques portraits, après avoir obtenu l’accord de la personne concernée (chauffeur de taxi en Inde, éleveur en Bulgarie, petite fille japonaise jetée dans les airs par son père…). J’ai eu plus de mal que je ne l’aurais pensé à aller vers les gens pour leur demander de réaliser leur portrait, de peur de les déranger, de peur de « détruire » l’instant authentique que j’étais en train de vivre et enfin pour ne pas m’immiscer dans leur vie privée. Pour ma future exposition photo, j’ai sélectionné des clichés variés : on y trouvera des scènes de vie spontanée, avec plusieurs sujets. J’ai également choisi d’y faire figurer des paysages des territoires traversés, et enfin des photos témoignant de la culture vélo dans les différents pays.



Q)        Quatrième art  

La musique est un art, une manière de s’exprimer, mais également un langage universel, présent dans toutes les cultures. Dès mon arrivée à New York, au tout début du voyage, j’ai été séduit par les improvisations jazz de Marjorie Elliott à Harlem (elle reçoit le public dans son appartement). Au Japon, je me suis rendu dans de nombreux temples où j’écoutais discrètement prier les moines et les pèlerins. Au Laos, je me suis retrouvé dans des fêtes de village animées, lors du Bum Pi Mai (nouvel an local). A Phnom Penh au Cambodge, j’ai assisté à un petit concert de rue avec des instruments semblables à des xylophones. En Malaisie, j’ai dansé au bord du détroit de Malacca avec un groupe d’anciens camarades de classe qui se retrouvaient pour la première fois depuis dix ans. A Singapour, j’ai été invité à dîner chez Marc, dont la fille est une jeune violoniste prodige. J’ai eu droit à deux morceaux. En Inde, je me suis retrouvé sur le toit d’une auberge avec des voyageurs coréens et des footballeurs professionnels ivoiriens qui avaient récemment fui le Népal suite au tremblement de terre : ils nous ont enseigné des chants de leur pays. En Grèce, j’ai été hébergé par un rappeur Gréco-russe qui m’a fait une démonstration dans son studio d’enregistrement. Enfin, en Italie, j’étais présent lors de l’anniversaire de Paolo. Les invités tapaient dans leurs mains et entonnaient : « Tanti auguri a te ! ».


R)        Rencontres

Un exemple de rencontre spontanée : une longue étape dans le nord du Cambodge sous une grosse chaleur. Je demande à des habitants si je peux planter ma tente sur leur terrain. C’est non. 10 km plus loin, toujours rien, quand soudain (en anglais) : « Hello ! Come here ! ». Il s’agit d’Ou Samkouy, policier à Siem Reap et grand amateur de Badminton, installé dans cette zone rurale à 40 km de la ville, qui m’invite à le rejoindre. Nous discutons et Ou traduit notre conversation pour ses amis. Il me parle de ses terres, des environs. Tiens ! Un vendeur de poissons à moto qui arrive du lac Tonlé Sap. La sœur d’Ou les prépare au barbecue. Ou est en train de construire une station service sur son terrain, pour avoir une activité complémentaire à son travail de policier. Malheureusement, l’orage de la veille a fait bouger les remblais et les fondations toutes neuves. Peu importe, Ou était plein d’énergie positive et semblait ravi de m’accueillir !

Rencontre prévue : depuis le Monténégro, j’avais contacté Marko (membre de Warmshowers), septuagénaire vivant au sud de la Croatie. Ce personnage haut en couleur a 1000 histoires à raconter à ses hôtes. Il a fui son pays à 17 ans sur un bateau volé avec des amis. Il a rejoint l’Italie, puis la France, puis à émigré au Canada où il a vécu et bien gagné sa vie pendant 40 ans. A la retraite, il n’a plus un sou et il est rentré au pays (la Yougoslavie est devenue la Croatie). Il vit dans des containers aménagés et des caravanes améliorées, en pleine nature, à quelques kilomètres de Plocice. La douche, c’est le tuyau servant à arroser les fleurs. Malgré son âge, il a plusieurs projets à son actif. Il essaie de développer une sorte de réserve écologique et de faire réhabiliter une vieille ligne de chemin de fer pour attirer les touristes dans sa région. Il se dit fervent communiste et il parle anglais comme un adolescent américain. Il m’a parlé de son expérience à Woodstock et il dit avoir rencontré Fidel Castro en personne. Drôle de rencontre !

Rencontre de cyclo-touristes : à Malacca en Malaisie, je rencontre une famille française qui voyage depuis un an et demi. N’ayant jamais quitté la France auparavant, Natalie et Jean-Marie sont partis à la découverte du monde avec leurs enfants Zoe (10 ans) et Yan (8 ans) à vélo, direction l’Afrique (1 an), puis l’Inde (6 mois), puis l’Asie du sud-est (6 mois). Ils utilisent un tandem Pino (une personne allongée à l’avant et une personne en position vélo à l’arrière) et deux autres vélos. Je les retrouve trois jours plus tard au bord du lac Chini et nous campons sur la jetée, avec deux de leurs amis franco-belges qu’ils avaient connus quelques mois plus tôt en Inde. Une superbe famille d’aventuriers et de citoyens du monde (http://parentheseavelo.blogspot.com).



S)         Santé

Je n’ai eu aucun problème de santé particulier. J’avais pris une bonne assurance (avec rapatriement possible) en cas de besoin. Quelques bobos minimes mais j’avais un kit de pharmacie amplement suffisant. Les ennuis : bien se protéger des moustiques dans certaines zones, et se méfier du soleil, presque partout ! Il faut faire bien attention à l’eau et aux aliments non cuits. En Inde, des vendeurs reconditionnent de l’eau achetée en grande quantité dans de petites bouteilles plastiques, semblables aux bouteilles d’eau industrielles. Difficile cependant d’éviter tous les microbes, d’où l’importance de partir avec une trousse à pharmacie complète.

Santé physique et mentale. Bonne condition tout au long du voyage. Je suis parti « trop vite » en voulant faire trop de kilomètres les deux premières semaines au Japon (mal aux genoux). J’ai ralenti et je suis reparti sur un rythme plus raisonnable, rien ne sert de courir ! Baisse d’énergie à la frontière du Monténégro et de la Croatie. Heureusement, les trois jours de pause à Split et à Ancône m’ont permis de récupérer. Il faut connaitre son corps, ses limites et ne pas les dépasser, car le lendemain il faut sans doute pédaler à nouveau. Les journées au cours desquelles je me suis particulièrement bien senti : de Bai Tam Tan An à Khâm Đức au Vietnam (paisible, rural), sur l’île de Shodoshima au Japon, la descente de Paso di Bracco à Sestri Levante en Italie (beaux virages en descente au petit matin), les gorges du Verdon… Santé mentale : il faut être fort car la route est parfois monotone, voire interminable. Néanmoins, il y a souvent beaucoup de choses à observer et à faire sur la route. On croise des regards, on s’arrête prendre une photo. S’il n’y a rien, on se concentre sur l’effort physique ou bien on se perd dans ses pensées. On s’habitue à tout. Pendant les pauses, puis en fin d’après-midi : c’est le moment de chercher où dormir et le temps des rencontres.



T)        Temps

Comme expliqué ci-dessus, les heures passées sur le vélo peuvent être longues, et la journée peut sembler ne jamais finir (jusqu’à l’arrivée à la destination du soir). Heureusement, c’est l’exception. Généralement, je regarde tout autour de moi et je ne vois pas le temps passer. Je m’arrête quand j’ai faim, quand quelque chose m’interpelle, quand je veux garder un souvenir photo. Les heures et les kilomètres s’enchainent et le mouvement devient la norme. Paradoxalement, sur une route plus difficile (avec du relief, sinueuse), le temps passe plus vite. Sur une longue ligne droite (ex : frontière turco-grecque côté Grèce ; une partie de la côte est en Malaisie), le temps semble élastique, comme la guimauve.

Un voyage de 7 mois, c’est long ? Oui et non. Les pays que j’ai choisi de découvrir à vélo sont assez petits. J’ai donc pu découvrir une région littorale, une région rurale, puis traverser une petite chaîne de montagnes, en quelques semaines, afin d’atteindre assez rapidement un nouveau pays. Je pense que l’expérience doit être différente pour les voyageurs à vélo qui choisissent de traverser la Chine ou la Russie. J’ai rencontré un canadien, Keith, parti de chez lui avec son vélo il y a 7 ans. Keith est devenu nomade. Le temps des nomades n’est pas le même que le temps des sédentaires. J’ai appris à en profiter différemment. Il y a des moments où il faut un planning serré pour profiter de toutes les opportunités qui s’offrent à nous, puis il y a des moments où il est préférable d’aller doucement, de vivre pleinement les choses, de s’adapter à un rythme qui n’est pas forcément le nôtre (François).



U)        Unesco

Lors de ce voyage, j’ai eu la chance de visiter de nombreux sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO (http://whc.unesco.org/fr):

              Monuments historiques de l'ancienne Nara (1998)
              Sites sacrés et chemins de pèlerinage dans les monts Kii (Le Mont Koya - 2004)

- Vietnam : Ensemble de monuments de Huê (1993)
                  Vieille ville de Hoi An (1999)


- Cambodge : Angkor (Siem Reap - 1992)


- Singapour : Jardin botanique de Singapour (2015)

- Inde : Fatehpur Sikri (1986)
            Le Taj Mahal (1983)
            Ensemble du Fort Rouge (2007)

- Turquie : Zones historiques d'Istanbul (1985)




             Piazza del Duomo à Pise
             Centre historique d’Urbino




V)        Voyage

Depuis plusieurs années, j’ai beaucoup appris grâce au voyage. Le voyage est une source infinie de renouveau, pour s’épanouir, s’enrichir, se découvrir. On y gagne et on y perd. Voyageons.

« Quand tu aimes il faut partir
Ne larmoie pas en souriant
Ne te niche pas entre deux seins
Respire, marche, pars, va-t’en »

B. Cendrars, Feuilles de route, 1924.



W)       Wagons

Je me rappellerai de cet instant dans un train en Inde. Deux femmes indiennes vêtues de saris colorés se tiennent à mes côtés et discutent dans un dialecte inconnu. En face, un jeune homme regarde par la fenêtre, l’air rêveur. Il est assis et a posé sa tête sur son genou afin d’observer le paysage. Le train avance doucement. On entend le bruit des rails et des ventilateurs qui tournent à pleine vitesse. Au dessus de moi, je remarque les jambes des passagers du lit superposé qui se balancent, en suivant le mouvement imposé par le wagon.



X)        Xénophobie?

Je n’ai été témoin d’aucune scène de xénophobie ou de racisme au cours de ce voyage. Dans plusieurs pays, j’ai bien remarqué la coexistence de populations de différentes origines ethniques, mais je n’ai pas remarqué de tensions particulières. Par exemple, j’ai pu observer l’existence des différentes castes en Inde, j’ai remarqué en Malaisie que certains villages étaient majoritairement Sino-Malaisiens alors que dans d’autres villages, la population d’origine indienne était plus importante. En Malaisie, les différentes populations (qui sont arrivées depuis plusieurs générations) tendent à vivre côte à côte et à se regrouper par origine ethnique (langue différente parlée au domicile et au sein de leur communauté).



Y)        Y a-t-il des questions?

Si oui, je serai ravi d’y répondre. N’hésitez pas à me contacter à l’adresse email suivante :

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Z)  Zlatograd


Sans doute le seul « Z » du voyage. Zlatograd en Bulgarie : un monde à part et mystérieux. Alors que je brûlais sous le soleil grec, j’ai franchi les montagnes et je me suis retrouvé sous la pluie en Bulgarie. Une toute autre atmosphère. Comme un bond dans le passé, j’ai découvert de très belles demeures (qui me font penser à la Suisse) mais également d’anciens bâtiments construits sous l’ère soviétique. Mon hôte Anton, bon-vivant, sympathique et généreux m’a fait goûter en une soirée la quasi-totalité des spécialités de sa région. Manque de chance, il restait un plat que j’ai dû déguster le lendemain matin avant mon départ. Il s’agissait d’une soupe de tripes. Rien de tel pour pédaler vite (vers la ville suivante ?). Le voyage nous réserve toujours des surprises.







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